Le chemin parcouru

CheminParcouru
Aberri Eguna, Itsasu 2013 – Kępa Etchandy.

Le 23 Mars 1963, Enbata publie le premier éditorial signé de Jakes Abeberry. Un article aux allures de programme, qui taille aux forceps une route pour le mouvement abertzale. À l’heure de la disparition de Jakes, survenue le 29 novembre 2022 et des hommages qui saluent le chemin parcouru, Enbata exhume ce propos visionnaire qui, au terme du voyage, offre à rebours le panorama saisissant d’une vie à l’aplomb de ses convictions.

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Jakes Abeberry

Il y a un peu plus de deux ans, naissait Enbata. Simon Haran et un tout petit carré d’étudiants lançaient ainsi un cri, le dernier cri peut-être du peuple basque face à la mort prochaine.«Enbata» de septembre 1960, était-ce un journal, une revue, un tract, un pamphlet? Aurait-il des rejetons? Ses auteurs ne le savaient trop eux-mêmes. Seule une volonté farouche, une foi sans limite, une sorte de serment tacite les avaient unis pour essayer de sauver ce pays, notre pays.

Vite on s’aperçut qu’Enbata était né au bon moment. Les convulsions de notre planète nous offraient le spectacle d’une foule de jeunes nations, parfois même artificielles, reconnues puis admises au sein des grandes assemblées internationales, alors qu’on nous assurait toujours, à grand renfort de «théories sérieuses», du périmé de la cause nationale basque.

Par ailleurs, cette grande France puissante et généreuse, que nous devions tous les jours remercier d’avoir bien voulu nous «accueillir», nous, pauvres Basques arriérés, nous la contemplions sous nos yeux, vaincue militairement depuis 30 ans, traînant de défaites en humiliations, subissant le martèlement de son Arc de Triomphe par les bottes germaniques, comme les règlements de comptes de ses petits protégés jaunes, noirs ou arabes, ingrats des bienfaits par elle prodigués.

Voilà cette France napoléonienne, après des lustres d’impérialisme, réduite à son pauvre Hexagone et pas pour longtemps encore. À peine s’est-elle repliée sur son confort et son égoïsme qu’elle tend à dis-paraître, à se dissoudre dans une Union européenne. Pour l’heure il n’est question, bien sûr, que de gros sous avec ses voisins, mais le doigt est mis dans l’engrenage à tel point que le prix de son beurre ou la productivité de ses mineurs, c’est-à-dire une partie de sa souveraineté, sont du ressort de ses partenaires.

Tout ça, malgré sa mise en condition, le peuple basque l’a vu au travers de ses journaux habituels, les plus insipides soient-ils.

Mais il y a pire encore: c’est ce que le peuple basque a vécu chez lui durant ce laps de temps. Tout ce à quoi il est attaché, tout ce qui le fait «lui», tout, je dis bien tout, s’en va à la dérive. Pour lui la catastrophe n’est pas pour après-demain, pas pour demain; elle est là; c’est son plat du jour.

– La langue basque recule dans des pro-portions jamais atteintes au point que les spécialistes croient à la quasi-disparition de l’euskara dans une ou deux générations (il ne s’agit pas ici de savoir combien de bergers parleront encore le basque dans 50 ans, mais bien de dire si dans 50 ans il y aura encore des Basques capables de l’enseigner à d’autres qu’à leurs enfants, en un mot de savoir s’il y aura encore une possibilité d’enseignement général de l’euskara sur tout le territoire).

– Économiquement nos trois provinces continentales s’étiolent. Inutile de retracer ici le tableau affligeant de notre situation dans ce secteur essentiel. L’agriculture, pour être compétitive, ne retient plus tous ses enfants. L’industrie de transformation existante, moribonde, est portée à bouts de bras par les efforts désespérés de quelques familles en-racinées dans notre terre. L’unique industrie lourde, les Forges du Boucau, va fermer ses portes en 1964.

Résultat: nous émigrons de plus en plus, notre pays se vide de sa substance basque. Cette hémorragie démographique semble illusoirement stoppée sur la Côte. En fait nous assistons là à la fixation paradoxale d’une immigration étrangère venue de tous les horizons, attirée par le charme de notre pays.

Les spécialistes de tous ordres tentent de formuler, dans ce chaos, des solutions de sauvetage. Les mainteneurs de l’euskara pleurent, mendient toujours d’un pou-voir central hideux deux misérables heures d’enseigne-ment par semaine.

Les économistes nous collent à une Aquitaine sans vie au service de Bordeaux qu’on doit ranimer.

Et ainsi meurt, chaque jour davantage, notre Patrie.

Mais Enbata, insolite et gênant, est là proposant une solution globale aux problèmes de notre peuple. Alors?

Alors, une lueur d’espoir illumine aujourd’hui un pays qui perdait son âme. Le miracle de la résurrection basque au Nord de la Bidassoa est en vue. Les sourires s’estompent, les théories enbatistes envahissent les esprits, le succès, encore inconscient, bous-cule les prévisions les plus optimistes.

Tout d’abord, c’est l’équipe Enbata qui s’élargit qualitativement et quantitativement. Il en découle un journal amélioré, à l’audience toujours plus vaste.

Ce sont ensuite les mille et un petits signes que nous avons signalés dans ces colonnes, depuis les prises de position toujours plus nettes des défenseurs de l’euskara jusqu’aux membres influents de la chambre de commerce et des organismes touristiques qui commencent enfin à tourner les yeux vers nos frères péninsulaires, en passant par la sympathie de journalistes jusqu’alors hostiles à nos thèses.

C’est l’élection triomphale à la députation d’un jeune et ardent basquisant.

C’est le concours enthousiaste de la jeunesse basque à notre action, notamment à nos ventes à la criée de Saint-Jean-de-Luz, Hasparren et de l’Euskal Etxea de Paris.

C’est enfin l’accueil amical et parfois même l’adhésion spontanée à notre mouvement que nous ont réservés les plus éminents des élus du peuple basque que nous avons appelé à notre Aberri eguna 1963.

Enbata-journal a semé. L’heure est venue de récolter. Manier les idées, s’enflammer pour un idéal est bien; travailler à leur concrétisation est mieux. Autour de ce journal doivent se regrouper en un vaste Mouvement dynamique et jeune, les véritables serviteurs du peuple basque.

Rien ne sert de geindre, il faut s’organiser, il faut compter.

Demain, grâce à nous, le monde devra compter avec un peuple basque résolu à vivre en basque du XXe siècle.

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